Il y a des festivals qui divertissent, et d’autres qui éveillent. Le Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient (PCMMO), qui célèbre cette année sa 20e édition, fait partie de ceux qui, avec persévérance, tracent des ponts entre les peuples. Du 1er au 14 avril 2025, à Saint-Denis et dans plusieurs lieux partenaires d’Île-de-France, le festival déploie une programmation d’une richesse rare, où la caméra devient un outil de mémoire, de résistance, et de dialogue interculturel.
Né d’un besoin urgent de représenter autrement les sociétés maghrébines et moyen-orientales, le PCMMO s’est imposé comme un espace cinématographique libre, où les récits invisibilisés trouvent une voix. En ces temps de repli identitaire et de lectures binaires du monde arabe, le festival propose une vision tout en nuances : celle de cinéastes qui filment depuis l’intime, depuis l’exil, depuis l’absurde ou la colère, mais toujours depuis une lucidité artistique implacable.
Rashid Masharawi, invité d’honneur : la Palestine au cœur du récit
Difficile d’ignorer la résonance géopolitique de cette 20e édition. Alors que la guerre à Gaza, déclenchée en octobre 2023, continue de bouleverser les consciences, le festival rend hommage au réalisateur Rashid Masharawi, figure tutélaire du cinéma palestinien. Né dans un camp de réfugiés, il filme depuis plus de trente ans les silences, les espoirs et les luttes d’un peuple empêché.
Masharawi présente cette année Songe, un road movie sensible sur les traces d’un pigeon voyageur, ainsi que l’impressionnant From Ground Zero, œuvre collective composée de 22 courts-métrages tournés à Gaza en pleine guerre. Ce film, soutenu par le fonds qu’il a créé, incarne l’un des gestes les plus forts du PCMMO : redonner une voix à ceux que le fracas des bombes voudrait faire taire.
Archives, mémoire, féminismes : cinéma et transmission
Autre moment fort, la table ronde « Qui racontera l’Histoire ? », menée par Ali Essafi et Touda Bouanani, interroge la place des archives, souvent colonisées, dans la réécriture de récits. Ici, le cinéma ne se contente pas de divertir : il devient instrument de justice, de mémoire collective, de guérison. La collection éditoriale Intilak, présentée lors de cette rencontre, réhabilite les textes oubliés de penseuses et cinéastes arabes, dans une démarche résolument féministe.
Cette réappropriation s’illustre aussi à travers des œuvres comme Les Miennes de Samira El Mouzghibati ou Diaries from Lebanon de Myriam El Hajj, qui mettent à nu les blessures intergénérationnelles, familiales et politiques.
Un festival aux visages multiples, entre esthétiques et résistances
Le PCMMO 2025 n’est pas un festival monolithique. On y traverse les rues de Casablanca à travers 100 films, on y suit des femmes iraniennes en lutte dans At Night, the Red Sky, on y redécouvre Remparts d’argile, chef-d’œuvre restauré de Jean-Louis Bertuccelli, ou encore Fanon, biopic flamboyant sur le psychiatre anticolonialiste.
La programmation, foisonnante, célèbre aussi les corps, les musiques, les langues, les amours et les révoltes. Les soirées DJ, les ciné-concerts ou les expositions comme « Filiations » viennent élargir la notion de « cinéma » à celle d’un art de vivre ensemble, malgré les frontières.
Une géopolitique en creux, mais jamais absente
Le PCMMO ne délivre pas un message politique au marteau-piqueur. Sa force est ailleurs : dans le tissage patient d’histoires singulières, où les lignes de fracture – guerre, exil, mémoire, genre, religion – deviennent matière cinématographique.
En ces temps de mondialisation crispée et de discours polarisés, ce festival agit comme un antidote au simplisme. Il nous rappelle qu’entre les nations, les régimes et les idéologies, il y a des gens, des visages, des trajectoires, et des images. Et que celles-ci méritent d’être vues – et comprises – autrement.
Infos pratiques
📅 Du 1er au 14 avril 2025
📍 L’Écran (Saint-Denis), Institut du Monde Arabe, Le Louxor, L’Archipel, Le Studio, Le Luxy, Université Paris 8, etc.
🎟️ Programme complet : www.pcmmo.org