Longtemps censuré, le roman Thérèse et Isabelle de Violette Leduc est aujourd’hui reconnu comme un texte fondateur de la littérature lesbienne. Écrit entre 1948 et 1951, le texte explore la passion charnelle et émotionnelle entre deux adolescentes dans un pensionnat du nord de la France, un sujet qui a suscité la controverse et la censure à l’époque. Il aura fallu attendre 2000 pour que le texte soit publié dans son intégralité, rétablissant ainsi la vision audacieuse et poétique de Leduc sur le désir féminin et la découverte de soi.
En 2025, ce récit puissant renaît sur scène grâce à la metteuse en scène Marie Fortuit, qui s’empare de ce texte avec une sensibilité contemporaine et une lecture féministe affirmée.
La pièce sera présentée :
Du 28 mars au 8 avril 2025
19 h (Dimanche à 15 h)
Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt – Coupole, 2 place du Châtelet, Paris 4
Thérèse et Isabelle raconte l’histoire de deux jeunes filles découvrant l’amour et le plaisir physique dans l’enceinte d’un pensionnat. Thérèse, double littéraire de Violette Leduc, vit une initiation intense et troublante avec Isabelle, avant d’être brutalement séparée par les adultes.
La mère de Thérèse incarne ici une figure d’oppression, rappelant les normes sociales rigides d’une époque où l’homosexualité féminine était taboue. Le texte aborde sans détour la puissance du désir, la découverte du corps et la fragilité des premiers amours.
Publié une première fois de manière tronquée en 1966 dans le roman Ravages, le texte a été jugé trop explicite par l’éditeur, qui a exigé la suppression de cette partie. Ce n’est qu’en 2000 que Thérèse et Isabelle a retrouvé sa forme originale, dévoilant la force et la poésie de l’écriture de Leduc. Il s’agit d’un témoignage rare et audacieux sur la sexualité féminine, porté par une plume à la fois sensuelle et lucide.
Marie Fortuit choisit d’explorer toutes les dimensions du texte : la passion amoureuse, la découverte du corps, mais aussi le contexte social et familial qui pèse sur la relation entre Thérèse et Isabelle. La différence de classe sociale entre les deux jeunes filles est soulignée, rappelant la propre trajectoire de Leduc, fille illégitime d’un père bourgeois qui ne la reconnaîtra jamais.
Sur scène, trois jeunes interprètes – Raphaëlle Rousseau, Louise Chevillotte et Lucie Sansen – donneront vie à cette histoire d’amour. Lucie Sansen, également musicienne, accompagnera la pièce au piano avec un mélange de musique classique (Liszt, Schubert, Bach) et de compositions originales intégrant des sons d’internat, renforçant ainsi l’ambiance intime et sensorielle du spectacle.
Fortuit met en lumière le caractère subversif de l’œuvre en confrontant le public à la réalité du désir féminin, trop souvent censurée ou reléguée au second plan dans la littérature et le théâtre. La mise en scène associe réalisme et poésie, capturant la violence et la beauté de cet éveil amoureux.
Impossible de dissocier le parcours de Violette Leduc de sa rencontre avec Simone de Beauvoir en 1943. Soutenue par l’autrice du Deuxième sexe, Leduc a trouvé en Beauvoir une source d’inspiration et de reconnaissance littéraire. Beauvoir a encouragé la publication de Thérèse et Isabelle et a même préfacé La Bâtarde, affirmant ainsi l’importance du témoignage de Leduc dans la littérature féminine et féministe.
Fortuit explore cette relation complexe dans sa mise en scène, tissant un lien entre le personnage d’Isabelle et la figure de Beauvoir. Cette dualité entre la passion et la reconnaissance intellectuelle forme le cœur du récit, offrant une réflexion subtile sur le rôle du désir et de la création dans la vie d’une femme.
En portant Thérèse et Isabelle sur scène, Marie Fortuit rappelle que la liberté sexuelle et amoureuse reste un enjeu contemporain. Si le texte a été censuré dans les années 1950, il résonne aujourd’hui avec une force renouvelée, invitant le public à réfléchir à la manière dont la société encadre et contrôle encore le désir féminin.
Cette adaptation théâtrale s’inscrit dans une volonté de réhabiliter l’œuvre de Violette Leduc, mais aussi de rappeler que l’amour – dans toutes ses formes – reste un acte de liberté et de résistance face aux normes patriarcales. Thérèse et Isabelle célèbre la puissance du désir et la beauté d’un amour sans compromis.
