EXPOSITION – Ce que l’horizon promet : l’Art au service de l’incertitude

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La Fondation groupe EDF inaugure aujourd’hui Ce que l’horizon promet, une exposition ambitieuse qui explore notre rapport complexe à l’avenir. À travers une sélection de vingt-sept artistes contemporains, l’exposition interroge la tension entre la volonté humaine de maîtriser le futur et l’imprévisibilité inhérente au temps à venir. Entre science et croyance, contrôle et intuition, l’ devient ici un miroir et un prisme, révélant nos espoirs et nos craintes face à un avenir incertain.

Conçue sous la direction artistique de Samantha Barroero et Nathalie Bazoche, et avec l’expertise scientifique du sociologue Gérald Bronner, l’exposition explore cette dynamique entre rationalité et spéculation. Comme le rappelle Bronner :

« Nous sommes des animaux, mais qui envisagent les possibles. Nous apprenons à négocier avec l’imprévisible, à manier le feu, l’eau, la terre et le vent pour les rendre prédictibles. Mais cette capacité à anticiper nous place face à une incertitude constante : celle de ne jamais pouvoir tout contrôler. »

Pour Bronner, cette capacité humaine à envisager des scénarios futurs confère à l’art une fonction sociale essentielle : les artistes deviennent souvent des « prédicateurs des possibles », révélant les futurs envisageables. Cette incertitude créative contraste avec les certitudes imposées par les régimes totalitaires, qui figent le futur en refusant toute possibilité de changement. L’exposition s’inscrit ainsi dans une réflexion sur le libre arbitre, la résilience et la nécessité de réinventer notre rapport au temps à venir.

Parmi les œuvres les plus saisissantes de l’exposition, L’Explorateur (2011) de Philippe Ramette, une en résine polyester peinte, représente un homme assis, le visage caché dans ses mains. Cette posture évoque à la fois le désespoir et le refus de voir l’avenir. L’artiste met en lumière notre ambivalence face au futur : d’un côté, le désir de connaître et de prévoir, et de l’autre, la crainte de ce que l’avenir pourrait révéler. Les détails du corps, finement sculptés, renforcent le sentiment d’introspection et d’isolement. Cette œuvre illustre la difficulté humaine à affronter l’inconnu et la tentation du repli face à la complexité du monde contemporain.

Plusieurs œuvres phares de l’exposition incarnent cette tension entre contrôle et lâcher-prise :

Franck Scurti, artiste français, propose Le Paysage Économique, une œuvre encre sur bois et acrylique qui illustre cette fragilité face aux forces économiques. Les lignes de bourse représentées dans l’œuvre évoquent des montagnes suspendues au-dessus d’un paysage victorien, comme une épée de Damoclès planant au-dessus de la nature.

Le fond est composé de simples cagettes en bois brut, ajoutant une matérialité industrielle qui contraste avec la fragilité du paysage. Scurti explique cette dualité comme une manière de montrer la tension constante entre le monde naturel et les forces du marché : une instabilité permanente où l’économie et la nature s’affrontent silencieusement.

Alice Gauthier présente L’Épaisseur de l’ombre (), une installation au sol en poudre de pigments sur bois (2 x 4,8 m), réalisée in situ et commandée par la Fondation Groupe EDF pour l’exposition. Inspirée des roches volcaniques d’Herculanum, près de Naples, l’absence de vitrage dans la présentation crée un sentiment de vertige, renforcé par l’éclat du mica qu’elle a réussi à intégrer pour capter la lumière. Cette œuvre éphémère sera démontée à la fin de l’exposition : Gauthier prévoit de collecter les matériaux pour les réutiliser dans une future création, soulignant la nature cyclique de la matière et de l’œuvre d’art. Ce geste symbolique fait écho à la fragilité du temps et à l’impossibilité de le figer.

Évariste Richer, avec Cyclone, compose une mosaïque de 69 750 dés reproduisant une satellite d’un cyclone. Ce jeu entre hasard et contrôle évoque la capacité humaine à prévoir certains phénomènes climatiques tout en acceptant leur caractère fondamentalement aléatoire.


L’exposition aborde également la manière dont la science et la pensée magique coexistent dans notre rapport à l’avenir. Les œuvres reflètent cette dualité entre la rigueur scientifique et l’intuition poétique :

The Black Cabinet de Christine Rebet met en scène une séance de spiritisme du XIXe siècle, où les figures convoquées par les participants rappellent la montée du fascisme et les mécanismes de manipulation collective. L’artiste établit un parallèle direct entre la pratique du spiritisme et le rôle des médias contemporains dans la diffusion de croyances irrationnelles.

L’œuvre The Black Cabinet de Christine Rebet trouve un écho fascinant dans la figure de William S. Burroughs, célèbre pour sa théorie du « cut-up » et son exploration des états modifiés de conscience. Burroughs considérait l’art et la littérature comme des portes permettant d’accéder à des réalités alternatives, en brisant la linéarité du temps et du langage. Rebet, en réactivant le contexte du spiritisme dans son installation, prolonge cette tradition en créant une connexion entre la manipulation psychique du XIXe siècle et le contrôle de l’information à l’ère moderne. Ce dialogue entre Burroughs et Rebet met en lumière la manière dont les œuvres d’art peuvent déconstruire nos perceptions du réel et révéler l’invisible.

Lottocracy d’Agnieszka Kurant prend la forme d’une machine à loto, révélant des statistiques improbables – probabilité d’être frappé par la foudre, d’avoir un publié ou de gagner au loto. Cette œuvre interroge la nature du hasard dans nos choix politiques et économiques, suggérant que le destin collectif pourrait être influencé par l’aléatoire autant que par la raison.

Pierrick Sorin, avec Le Visualiseur personnel d’images mentales, nous place face à une technologie capable de « lire » les pensées humaines. Ce dispositif critique notre obsession pour le contrôle total de l’esprit humain et l’ de la maîtrise parfaite de notre psyché.

Dans O Vórtice (2021), Márcia Tiburi raconte son propre exil politique depuis le Brésil. Menacée de mort et harcelée par les partisans de Jair Bolsonaro, Tiburi a dû fuir son pays. Installée en , elle a collaboré avec Catarina Gushiken et Fernanda Bueno pour créer une immense murale inspirée d’une de tarot représentant Le Monde. Le vortex central, évoquant à la fois la destruction et le renouveau, symbolise cette expérience de l’exil comme une forme de résistance artistique. L’œuvre interroge la capacité de l’art à transcender la violence politique et à offrir un espace de résilience collective.

Dans le dernier chapitre de l’exposition, la question du libre arbitre devient centrale. À l’ère des algorithmes prédictifs et des big data, nos comportements sont de plus en plus anticipés par des systèmes automatisés. Mais les artistes montrent que cette perte apparente de liberté ouvre aussi des possibilités créatives inédites :

Mircea Cantor, dans Am I Really Free (2020), filme un enfant étendu sur l’herbe, se demandant s’il est réellement libre. Ce moment suspendu pose une question universelle : dans un monde où les choix sont de plus en plus influencés par la technologie et les modèles économiques, reste-t-il un espace de liberté authentique ?

Mounir Fatmi explore cette tension dans Dark Analytics (2022), une de céramiques peintes illustrant des courbes boursières et des indicateurs économiques. Fatmi joue avec la matérialité de la céramique pour souligner la fragilité des systèmes économiques face à la réalité physique et climatique.

Une autre pièce marquante de l’exposition est My Heart Stood Still (Carlos) (2016) de Brognon Rollin (Belgique, Luxembourg), un néon blanc de 270 x 60 cm représentant une ligne de main, inspiré par la chiromancie. L’artiste joue ici sur le contraste entre la lumière froide du néon — symbole de modernité et de rationalité — et le caractère ésotérique de la lecture des lignes de la main. Cette dualité entre science et croyance est au cœur de l’exposition : le néon nous rappelle que, malgré nos avancées technologiques, le besoin humain de rechercher des signes et des prédictions reste profondément ancré. L’œuvre met en lumière cette tension permanente entre le rationnel et l’irrationnel dans notre rapport au futur.

Noème (2017) de Tom Barbagli prend la forme d’une toupie en titane, en perpétuel mouvement sous une cloche de verre. L’artiste joue ici avec le paradoxe du temps : la toupie incarne à la fois la stabilité et le mouvement, la concentration et le déséquilibre. Le terme « noème », en phénoménologie, désigne l’objet de notre conscience – ce qui est pensé. Protégée sous une cloche, la toupie semble figer le temps tout en défiant la gravité. Cette œuvre souligne la tension entre notre désir de maîtrise et la nature insaisissable du futur.

Avec Skin Poems (2025), Morgane Tschiember travaille la matière comme une extension du corps. L’artiste utilise des plaques de mousse de polyester recouvertes de cire qu’elle craquèle en y apposant des parties de son propre corps. Des phrases marquées au fer rouge viennent graver la surface, créant une texture vivante et organique. Cette œuvre interroge la mémoire corporelle et la fragilité de l’identité. En choisissant une matière altérable, Tschiember exprime l’impermanence du corps et la capacité de la matière à conserver les traces du vécu.

L’exposition Ce que l’horizon promet ne prétend pas offrir de réponses définitives sur l’avenir, mais elle ouvre un espace de réflexion sur notre capacité à embrasser l’incertitude. Les artistes réunis par la Fondation groupe EDF nous rappellent que le futur n’est pas qu’une fatalité à subir, mais une possibilité à construire.

Comme le conclut Gérald Bronner :

« Les artistes sont les prédicateurs des possibles. L’incertitude que nous vivons n’est pas une menace : c’est une invitation à imaginer et à créer. Face aux certitudes rigides des systèmes totalitaires, l’art reste l’outil le plus puissant pour réinventer le futur. »

📅 Ce que l’horizon promet est à découvrir à la Fondation groupe EDF à Paris du 12 mars au 30 septembre 2025.

Toutes photos © Guillaume Louyot – Onickz Artworks


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