Derrière les murs sobres de l’Institut du Monde Arabe, une voix silencieuse résonne de toute la mémoire de Gaza. L’exposition « Trésors sauvés de Gaza – 5000 ans d’histoire« , du 3 avril au 2 novembre 2025, s’impose comme un geste fort, à la croisee de l’art, de la politique et du devoir de mémoire. Là où les bombes détruisent, l’art raconte, relie, restaure.
Plus de 130 œuvres archéologiques exceptionnelles sont présentées, issues des fouilles franco-palestiniennes initiées en 1995 et enrichies de la collection de Jawdat Khoudary, hôtelier-collectionneur dont le musée a été réduit en poussière. Ces pièces, rares et souvent inédites en France, témoignent de la richesse culturelle de Gaza, bien au-delà des réductions géopolitiques qu’on lui inflige. Mosaïques byzantines, monnaies antiques, amphores méditerranéennes : Gaza fut carrefour, port, centre de savoir, de foi, de commerce. Une mémoire déchirée, mais intacte dans ses traces.

Alors que Gaza souffre d’une campagne militaire qui a détruit plus des deux tiers de son tissu urbain, l’IMA redonne voix à une histoire trop souvent niée. Celle d’une cité qui fut l’un des plus grands centres commerciaux de l’Antiquité, désirée par les Égyptiens, les Perses, les Grecs, les Romains, les Arabes, les Croisés. Gaza fut la dot offerte par Antoine à Cléopâtre, un bastion païen puis chrétien, une capitale musulmane avant de sombrer dans l’oubli contemporain

Il y a dans cette présentation une forme de métaphysique de la survie. Exhumer ces vestiges, c’est résister à l’effacement. Un espace spécial documente les efforts de sauvegarde en temps de guerre : recensements de terrains, images satellitaires, études de dégâts menées par l’UNESCO. Le patrimoine est un champ de bataille symbolique : ce qui est visé, ce n’est pas seulement la pierre, mais l’idée même d’une continuité culturelle.

En parallèle, l’IMA expose des photographies du Liban entre 1864 et 1970. Ce dialogue entre Gaza et le Liban, deux régions fracassées par l’histoire, invite à penser le patrimoine non comme nostalgie mais comme un appel à la paix, une promesse de reconstruction. Des images de Byblos, Baalbek, Saïda, et du Chouf montrent la même fragilité, la même grandeur menacée.

Dans un contexte où le récit sur Gaza est dominé par les images de ruines et de conflits, ce projet réaffirme que la culture est une mémoire vivante, une identité en marche, un droit universel. C’est aussi un appel aux consciences : quelle part du monde perdons-nous en laissant mourir Gaza ?

Infos pratiques :
► Institut du monde arabe, 1 rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris 5e
► Du 3 avril au 2 novembre 2025, tous les jours sauf lundi, de 10h à 19h